Mon ami Richard Béliveau a été interpellé
par les résultats de l'étude Bofetta que
j'ai commentée dans mon blog précédent.
Il m'a fait parvenir sa réaction, que j'ai
envie de partager avec vous : on sait qu’une
consommation abondante de certains fruits
et de légumes bien spécifiques abaisse le
risque de développer différents types de
cancers, mais cet effet protecteur n’est
pas associé systématiquement à l’ensemble
des végétaux. J'approuve totalement son
raisonnement.
On sait depuis plusieurs années qu’une consommation
abondante de certains fruits et de légumes
bien spécifiques abaisse le risque de développer
différents types de cancers. Comme nous
le rappelle une étude récente, cet effet
protecteur n’est cependant pas associé à
l’ensemble des végétaux et il faut porter
une attention particulière à bien choisir
les aliments contenant les plus grandes
quantités de molécules anticancéreuses.
Mode de vie et cancer
Le cancer n’est donc pas une maladie qui
est principalement d’origine héréditaire,
comme on le croit encore trop souvent, mais
bien une pathologie étroitement liée à un
ensemble de facteurs liés au mode de vie,
surtout le tabagisme et l’obésité, cette
dernière dépendant de notre sédentarité
et de nos habitudes alimentaires. Plusieurs
études ont montré un lien direct entre la
consommation régulière de certains végétaux
et la réduction du risque de développer
certains types de cancer (voir figure).
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Source : Béliveau et Gingras, La
santé par le plaisir de bien manger,
Trécarré (2008) |
L’inclusion de ces végétaux dans l’alimentation
est particulièrement importante car les
fruits et légumes ne possèdent pas tous
le même potentiel de prévention. Il existe
des différences importantes dans les niveaux
de composés anticancéreux associés à ces
aliments et, dans quelques cas, les composés
phytochimiques qui possèdent les plus fortes
activités de prévention du cancer ne sont
présents que dans certains fruits et légumes
bien précis. Il en est ainsi des isoflavones
du soja, du resvératrol des raisins, de
la curcumine de l’épice curcuma, des isothiocyanates
et indoles du brocoli ou encore des catéchines
du thé vert, ces molécules anticancéreuses
ayant une distribution extrêmement restreinte
dans les végétaux. Autrement dit, même si
tous les fruits et les légumes sont parties
intégrantes d’un régime alimentaire équilibré,
seulement certains d’entre eux peuvent véritablement
influencer le risque de cancer.
La qualité plutôt que la quantité
L’importance d’inclure dans l’alimentation
ces aliments est bien illustrée par les
résultats d’études qui examinent le risque
global de cancer selon la quantité totale
de fruits et légumes, sans tenir compte
des types de végétaux consommés. Par exemple,
une étude réalisée sur plus de 100,000 professionnels
de la santé américains n’est pas parvenue
à établir un lien bénéfique entre la consommation
totale de fruits et légumes et la diminution
du risque de cancer (1). Pourtant, une baisse
importante du risque de cancer de la vessie
chez les hommes qui consommaient abondamment
des légumes crucifères (2), ainsi qu’une
baisse significative du risque de cancer
de la prostate suite à la consommation régulière
de produits à base de tomates (3) ont été
observées chez cette même population. Une
étude européenne réalisée auprès de 400,000
personnes vient d’arriver à une conclusion
similaire, c’est-à-dire que la consommation
globale de fruits et légumes n’est pas associée
à une diminution significative du risque
de cancer total (4). Ici encore, des résultats
précédemment obtenus auprès de cette même
population montrent pourtant que certains
fruits (notamment les agrumes) réduisent
considérablement le risque de cancer de
l’estomac (5). Ces observations indiquent
donc que le développement des différents
types de cancers est modulé différemment
par les végétaux de l’alimentation et qu’il
faut pas seulement tenir compte de la quantité
de fruits et de légumes totaux consommés
par les individus mais également prendre
en considération la nature de ces aliments.
Ces résultats sont très importants car en
Amérique la moitié des légumes consommés
sont relativement dépourvus d’effets protecteurs
(patates, laitue iceberg et tomates en conserve)
alors que la consommation per capita de
légumes riches en molécules anticancéreuses,
comme les crucifères, atteint à peine 1
%. Une consommation accrue d’aliments contenant
de fortes quantités de molécules anti-cancéreuses
(familles du chou et de l’ail, thé vert,
petits fruits, agrumes, tomate, carotte),
capables de cibler plusieurs processus distincts
essentiels à la croissance des cellules
cancéreuses, est donc absolument essentielle
pour parvenir à réduire significativement
le risque de certains cancers.
Tous les fruits et légumes sont excellents
pour la santé en général et pour la protection
contre les maladies cardio-vasculaires,
en particulier. Dans le cas du cancer, les
effets protecteurs sont spécifiques à certains
fruits et légumes, comme nous l’avons souligné
à de multiples reprises. Richard Béliveau
Sources : (1) Hung HC et al. Fruit and
vegetable intake and risk of major chronic
disease. J Natl Cancer Inst. 2004; 96:1577-84.
(2) Michaud DS, Spiegelman D, Clinton SK,
Rimm EB, Willett WC, Giovannucci EL. Fruit
and vegetable intake and incidence of bladder
cancer in a male prospective cohort. J Natl
Cancer Inst. 1999 ; 91: 605-613. (3) Giovannucci
E et al. A prospective study of tomato products,
lycopene, and prostate cancer risk. J Natl
Cancer Inst. 2002 ; 94: 391-398. (4) Boffetta
et al. Fruit and vegetable intake and overall
cancer risk in the European Prospective
Investigatiob into Cancer and nutrition
(EPIC). J Natl Cancer Inst. 2010; 102:1-9
(5) González CA et al Fruit and vegetable
intake and the risk of stomach and oesophagus
adenocarcinoma in the European Prospective
Investigation into Cancer and Nutrition
(EPIC-EURGAST). Int J Cancer. 2006; 118:
2559-66.
Source de l'article : http://www.guerir.org
- David Servan-Schreiber
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